Echos - d'Aïn - Franin

- Echos d'Aïn-Franin - page 4 -




FETE de l'ASCENSION à NIMES






Nous avons pris rendez-vous pour nous retrouver, comme chaque année, à Nîmes-Courbessac où la Vierge de Santa Cruz, Protectrice d'Oran, a trouvé refuge dans le sanctuaire érigé par l'association des " Bâtisseurs " sur un terrain offert il y a quelques années.
C'est le Pèlerinage annuel des oraniens principalement mais aussi de tous les départements de notre ancienne Algérie, et qui arrivent de tous les départements français pour certains même d'outre-mer. Le départ de Toulon, pour nous, est fixé à 5h30.
Après une nuit sans beaucoup de sommeil, car c'est toujours excitant de se retrouver, parfois après de nombreuses années de séparation, nous voilà dans la nuit attendant le car. Il arrive, déjà pratiquement complet. L'accueil à bord est comme toujours, chaleureux. Et c'est, baigné dans une musique andalouse enchaînant les airs familiers, que le voyage se poursuit.
Nous faisons une courte pause au péage de Lançon, et bientôt Nîmes nous reçoit sous un beau soleil, espérons que le temps se maintiendra, la journée commence bien. Moins de véhicules que les années précédentes stationnent sur le bord des routes.
Nous prenons le petit chemin qui, serpentant au milieu des garrigues nous mène au Mas de Mingue. Une fois pied à terre, nous prenons des repères, pour être sûr de retrouver le car en fin de journée. Nous nous dirigeons ensuite vers le Centre Culturel, juste après la petite chapelle qui abrite Notre Dame. Première messe en son honneur.
A 9h30 une messe sera célébrée sur l'esplanade, devant la basilique.
Dans le Centre Culturel, se trouvent déjà installés, des associations bien connues de notre Communauté, l'Echo de l'Oranie qui, depuis de nombreuses années est un lien important pour les oraniens, le Cercle Algérianiste, mémoire de notre " Pays Perdu "qui par la qualité remarquable de ses intervenants et de leurs travaux, apprend aux plus et aux moins jeunes ce qu'était la vie " là-bas " et rétablit très souvent une vérité historique savamment occultée par la politique ambiante, délétère ! L'association " Algérie Méditerranée " qui réunit tous ceux qui recherchent, souvent avec passion, leurs racines. Des écrivains et des artisans complètent ce tableau. Dans le Centre, on peut toujours découvrir de nouveaux ouvrages sur l'Algérie, et lorsque la chance nous sourit, des livres anciens, devenus très rares ou leur réédition. Il y a aussi de vieilles affiches, des céramiques et d'autres objets encore, épaves poignantes d'un sabordage.
Tout cela réveille en nous des souvenirs qui, apparemment oubliés, ne demandent qu'un faible stimulus pour ressurgir.
Une fois cette visite et quelques achats terminés, nous grimpons vers la Basilique.
Cette " Ascension " réveille en moi le souvenir de ma première visite à Nîmes. Il n'y avait alors que la petite chapelle, quelques annexes et d'innombrables " Pèlerins ". Pour faciliter la " circulation " deux files, montante et descendante. Ces deux courants se croisaient. Pieds noirs de tous âges, espérant retrouver un parent, des amis, dont ils étaient sans nouvelles depuis " l'exode ". Tout le long du sentier, sur le moindre tronc d'arbre, ou les poteaux électriques supportaient des avis de recherches, des photographies jaunies. Je me souviens encore de celle, délavée, de cette mariée, souriante qui lançait son poignant appel : Où êtes-vous ? Etes-vous encore en vie ? Je revois encore ceux qui avaient choisi d'inscrire leur nom sur leur chemise, ou sur de petits bouts de carton fichés sur des bâtons pour être plus visibles dans la foule. Parfois l'émotion nous étouffait. " Mon Dieu M… ! C'est toi ? Et tes parents ? Et tes frères ? Tes sœurs ? Nous nous sentions tous concernés, même s'il s'agissait de parfaits inconnus. Parfois vingt ou trente ans s'étaient écoulés depuis les dernières rencontres, comment se reconnaître ? Aujourd'hui ce moment est toujours émouvant mais moins fort qu'autrefois. Beaucoup d'anciens ont disparus et le nombre de ceux qui ont vécu cette débâcle s'amenuise chaque année. Nombreux sont les jeunes dans la foule d'aujourd'hui, mais pourront-ils faire face longtemps encore à l'entreprise de culpabilisation qui année après année cherche, sans succès jusqu'à présent, à salir l'œuvre et les sacrifices de leurs aînés. En Europe l'heure n'est plus aux pionniers défricheurs de grands espaces mais aux esclaves repliés frileusement sur leurs " droits acquis ", qui observent l'Univers par le petit bout de la lorgnette.
Un virage, la pente devient plus raide, nous passons devant le calvaire et nous arrivons sur l'esplanade.
Cette année l'autel a été dressé devant les salles qui abritent nos reliques : statues rapatriées des paroisses d'Algérie, photos de nos églises, lorsqu'elles étaient encore exemptent de toute profanation, objets de cultes chers à nos cœurs. Une reconstitution de la grotte de Lourdes et ses ex voto rappellent les pèlerinages qu'organisa longtemps le Chanoine Caparros sous l'égide de l'évêque d'Oran, Monseigneur Lacaste, toujours présent à nos côtés, décédé maintenant.
Nous méditons une fois plus devant la colonne qui commémore nos disparus… Nous effectuons quelques achats dans les boutiques qui nous offrent cierges, bougies et articles de piété.
Un arrêt coutumier à la buvette de l'association des amis de Santa Cruz pour boire un petit café qui nous redonnera un peu d'entrain pour continuer notre matinée.
Remise des bougies qui brûleront pour le repos de nos défunts, une prière à notre Dame de Lourdes dans la réplique de la grotte de Lourdes.
Nous entamons la lecture des plaques posées en mémoire de personnes auxquelles nous étions attachées, telle celle de Mme Josette Bousommier, notre M"dame" qui a tellement oeuvré pour notre cause. Nous avions aussi déposé une plaque offerte par le groupe de Visiteurs Oranais crée par Jean-Claude Pillon né en Métropole, mais Oranais de coeur, qu'il en soit remercié.
C'est la messe de 11h30 et soudain le cantique " Chez nous Soyez Reine " et ses paroles émouvantes nous submerge :

Chez nous soyez Reine,
Nous sommes à vous,
Soyez notre souveraine,
Chez Nous, chez Nous,
Soyez la Madone,
Qu'on prie à genoux,
Qui sourie et pardonne,
Chez nous, chez nous.........


Une pause photos, et nous entamons la descente vers le lieu de restauration et de rencontres programmées, ou non.
Rendez-vous est fixé selon les années, avec le groupe du forum Familia orchestré par José Bueno, près du Centre Culturel, ou chez une Bônoise Musulmane qui nous accueille avec beaucoup de chaleur! paellas, couscous, rates grilléees, Nous retrouvons avec plaisirs et soulagement les tables avec leurs saveurs oranaises : anisette, olives, tramoussos, fèves grillées, et jus d'orange pour les ascètes…Je vais certainement oublier plusieurs plats mais je m'y risque : salades, longanisse et soubressade, calentica, paellas, couscous, rates grillées....cette évocation forcément incomplète, vous mettra certainement l'eau à la bouche. Pour finir en beauté, devinez quoi ? Cerise sur le gâteau ! Les makrouds et les cigares! Tout y est, les amandes, le miel, les parfums.. ! Après un bon café, assez fort pour réveiller les esprits assoupis, nous plions bagages et nous dirigeons vers la chapelle qui se trouve au bas du mas de Mingue.
Il est 14h30. La statue de la Vierge est posée sur son support que quelques porteurs hissent sur leurs épaules. Les Pèlerins, regroupés depuis plusieurs minutes, forment le cortège.
Cantiques et prières accompagnent cette procession. Instantanément nous voilà revenus sur ce sentier qui, dans la chaleur, le crissement des cigales et les parfums d'Afrique, nous conduisait le long des pentes du Murdjadjo jusqu'au sanctuaire qui surplombait la ville d'Oran. Images fugaces de fidèles gravissant la pente caillouteuse, à genoux.
La tête nous tourne ! Avons-nous voyagé dans le temps ? C'est le centenaire de Santa Cruz où mélangés, Chrétiens, Juifs et Musulmans viennent rendre hommage à la Dame ! Epoque bénie où les miasmes de la politique n'avaient pas encore embrumés les esprits !
Encore un vertige, et nous sommes à nouveau près de Nîmes. Aujourd'hui, toujours symboliques, quelques musulmanes, dont certaines voilées, se recueillent avec nous.
Malgré les avatars, notre Foi est toujours là, intacte !
Le cortège arrive maintenant sur l'esplanade. C'est l'instant crucial de cette journée consacrée à la Vierge Marie, si chère à nos cœurs.
Une pensée pour Jean Paul II qui la vénérait.
A la fin de la messe, distribution à quelques participants, de fleurs qui ornaient la statue.
Une dernière visite aux salles où sont exposés, statues, reliques, photos anciennes...
Il faut déjà penser au retour.
Vite quelques derniers achats dans le " marché persan " toujours aussi animé. Vendeurs de charcuteries typiques, mounas, torraïcos, gâteaux arabes, disques et ballons nous offrent leurs " tentations ". Quelques danseurs, de tous âges, s'agitent en cadence. Mais nous ne pouvons plus différer le départ. Le car nous attend. Epuisés, affalés dans nos fauteuils, nous n'avons même plus la force d'accompagner la musique que diffusent les hauts parleurs. Cette fatigue sera vite oubliée nos enfants et nos petits enfants entendront encore longtemps parler de cette journée.

Au revoir Santa Cruz, à l'an prochain ! Si Dieu veut !!!