Témoignage de Guy Montaner
Le ciel, le soleil et la mer …
C'est étrange, j'écoute Radio Nostalgie, 96.2 sur notre région, je tends l'oreille car une chanson me *parle*, des mots qui me transportent vers une autre époque, celle de notre insouciante jeunesse, notre époque.
Au rythme langoureux de cette balade, de cette voix chaude et caressante de notre chanteur de
charme, François Deguelt, combien de couples, au cours d'une simple danse, mais quelle danse, se sont-ils connus, formés, aimés !
*il y a le ciel, le soleil et la mer… allongés sur le sable, les cheveux dans les yeux…. Je vous laisse fredonner la suite*.
Un petit air de musique et me voici transporté, bien des années en arrière; c'est comme si devant un écran, les images couleurs passent subitement en sépia ou noir et blanc, pour faire plus vrai.
Juillet 1960 ! Militaire, je viens d'obtenir ma première permission … enfin … va … cours, vole vers ta belle !
Arrivé en gare d'Oran, je fais un court passage à la maison, pour embrasser mes parents, surtout ma Mère, elle sent bien que son petit lui échappe, qu'elle n'est plus la première ! mais peut-on donner un classement à une Mère, non, c'est la plus belle et elle est au-dessus de tout !
Je dis ça maintenant, mais à l'époque, ne l'ai-je pas un peu délaissée … !
Mon père lui, égal à lui-même, toujours calme et pondéré mais oh ! combien efficace avait préparé mon vieux scooter, mon fidèle Lambretta, que je n'ai pas toujours ménagé.
Nous voilà partis; mon rendez-vous c'est Aïn-Franin.
Je ne connaissais pas, j'allais donc découvrir; renseignements pris, je savais qu'il me fallait emprunter la route de Gambetta et après direction Kristel !
Suivant la bonne et classique explication : c'est facile, c'est tout droit !
Tout se passe bien, il fait bon, il fait beau, la vitesse et le vent me grisent un peu.
Après le plateau, me voici donc arrivé à la limite de la grande descente qui doit me conduire vers cet endroit encore inconnu.
Je suis surpris par la beauté du paysage, de ce spectacle qui s'offre à moi !
Habitué à la côte ouest de notre bonne ville d'Oran, avec ses immenses plages de sable fin, qui avaient pour noms Saint-Roch, Bouisseville,
Aïn-el-turck, Cap Falcon.
D'où je suis, je découvre un paysage fait de rochers découpés par la puissance des vents et des vagues, certains qui pénètrent dans la mer, comme l'étrave d'un bateau, d'autres, à fleur d'eau, dangereux pour les embarcations, des promontoires qui doivent certainement permettre aux résidants et aux estivants de bénéficier de plongeoirs naturels de différentes hauteurs !
Au loin légèrement enveloppés de brumes, d'autres rochers, plus majestueux, dressés comme des murailles contre les éléments qui se déchaînent parfois ! J'aperçois à peine Kristel.
Les couleurs me surprennent aussi; passant des ocres les plus sombres aux plus clairs, par une harmonie constante de dégradés, les tâches plus sombres des anfractuosités, les îlots de verdure, plantes enracinées, comme des arapèdes sur les rochers, avec des pointes de rouge, orange, bleu, toutes ces teintes, pastels des fleurs des plantes grasses, et enfin tous ces arbres, qui bordent aussi le littoral apportant à tous leurs ombrages, protection indispensable les jours de grand soleil car il est aussi présent ce Seigneur qu'il ne faut pas oublier ! Lui aussi a un rôle important dans cette symphonie d'ombres et de couleurs, il les écrase lorsqu'il est au zénith ou les étale à l'infini, dans le sens du levant, dans l'autre au couchant, mais là, souvent, il y ajoute des pointes de feu !
Dans les criques, la mer vient y mourir tout doucement, elle aussi participe à la fête, en nous offrant l'écume blanche de ses vagues, comme de la dentelle, en finition !
Mon scooter au point mort, je le laisse glisser, doucement, vers les maisons; j'essaie de repérer celle qui m'a été indiquée juste un peu
au-dessus des cabanons, quelques habitation, sur la hauteur. Je cherche, mon cœur bât fort, très fort ! Je l'entends, car autour de nous c'est le silence qui règne, vous savez, de ces silences " assourdissants ", tant les oreilles
bourdonnent.
Je m'approche lentement du bord du talus.
AÏN FRANIN me voilà !
Je le crie très fort, très fort …. Dans ma tête !
Quelques minutes s'écoulent, mon cœur arrête sa chamade, doucement, et c'est alors que je perçois vraiment les bruits qui m'entourent. Celui de l'abeille à la recherche de son pollen, de la cigale qui chante, chante sachant sa fin prochaine, des oiseaux, les martinets surtout qui virevoltent sans arrêt à la chasse des insectes, poussant des cris perçants, des cris qui se prolongent sur la mer, comme des ricochets.
A présent, la mer est vraiment à mes pieds, belle, calme, bleu, transparente.
Je laisse alors ma moto et j'emprunte le sentier, souhaitant faire quelques pas avant mon arrivée. Je vais enfin vers cette maison du bonheur, pour y retrouver celle qui m'attend. C'est poussiéreux, mes semelles s'enfoncent dans cette terre rouge, c'est signe qu'il n'a pas plu depuis longtemps; Le vent se chargera de faire disparaître les traces ! Les aloès paraissent se courber sur mon passage, la haie de cactus, elle, protectrice me cache de tous les regards ! La maison, enfin, je la reconnais ! Passé la barrière, j'entends des voix sur le devant, c'est la terrasse ! J'entends des voix, la famille est là, cousine, tante, future belle-maman
mais aussi la voix de celle pour qui je suis là aujourd'hui !
Joie, cris, embrassades baisers rapides ( on se rattrapera ), des questions, des questions … alors, raconte, dis nous, pourquoi, comment, combien de temps ! Elles n'arrêtent pas, mais il faut répondre gentiment, avec le sourire, sans brusquer qui que ce soit … je suis l'invité !
Un peu en retrait, je vois ma promise qui joue avec une portée de petits chats, c'est sa passion ! Elle le restera, même encore de nos jours !
Le soleil continue de descendre sur l'horizon qu'il enflamme, la nuit arrive, vite, enfin serait plus vrai !
Repas vite avalé, et avec la bénédiction et les recommandations d'usage, nous pouvons enfin, nous retrouver, seuls, promenades la main dans la main, baisers à n'en plus finir … vous connaissez !
Le temps passe vite, trop vite, il faut rentrer … on nous attend. Demain, il fera jour !
Je dors mal, très mal, les heures sont longues, je regarde sans cesse ma montre.
Enfin j'ouvre les yeux et je sens l'odeur du café, des tartines grillées !
Elle est là, elle a tout préparé, elle m'attend sur la terrasse, face à la mer.
Vite avalé, nous repartons pour une promenade matinale, c'est un moment également agréable que de voir la nature s'éveiller, tout reprend vie.
Une barque quitte le ponton de la petite anse, quelques hommes à bord, les mordus de la pêche ! Comme j'aimerais être avec eux ! Mais on ne peut tout avoir !
Tiens malgré l'heure matinale, un chasseur sous-marin est déjà à l'eau, j'aperçois ses palmes qui s'agitent, doucement, il est en maraude ! Le bruit du moteur s'éloigne, doucement, le silence revient, un chien aboie, au loin le chant d'un coq.
Nous sommes là, assis face à la mer, nous sommes bien … et on s'aime !
Je dédie ces quelques lignes à mon épouse, Geneviève ….
A cette époque elle avait 16 ans.
Guy MONTANER, Mai 2005
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